Nature du soin
Le soin maternologique a ses caractères propres
Évitant le soin psychiatrique inhérent à la dépression ou à la psychose, le soin maternologique précoce s’adresse, en majorité, aux femmes qui, le plus souvent dans les jours qui suivent l’accouchement, éprouvent soudain une difficulté à être mère. Cette difficulté les inhibe, perturbe leur comportement, empêche la naissance psychique de l’enfant ou entrave son développement précoce jusqu’à pouvoir le rendre malade.
• Intervenir chez le bébé et la mère durant la « période sensible »
Il faut souligner d’emblée les délais d’efficacité de l’intervention. Sans présumer de certains résultats thérapeutiques pouvant être obtenus ultérieurement, c’est toujours au moins avant 18 mois – 2 ans qu’il est souhaitable d’intervenir chez l’enfant. Cependant, si on tient réellement compte de la période sensible maternelle (Rosine Debray), c’est avant 9 à 10 mois que le soin de la maternité psychique est le plus efficace.
En effet, en ce qui concerne le bébé, ce que l’on appelle » les aires associatives » cérébrales (30 % du cortex) n’est pas programmé génétiquement et ne sera d’abord associatif qu’en fonction des expériences faites dès in utero et lors de la toute petite enfance. En raison de cette plasticité cérébrale la dépendance de l’enfant à son milieu parental et, surtout à sa mère, est très grande. C’est dans le creuset des affects et des possibilités maternelles que se fait la constitution d’un enfant.
En ce qui concerne la mère, l’intervention précoce est tout aussi nécessaire car il faut pouvoir agir sur le transfert maternel, déclenché après l’accouchement, et dont la malléabilité est d’autant plus grande que l’on reste proche de ce moment. C’est cela qui détermine la « période sensible ».
Par conséquent, la période d’intervention maternologique couvre les trois premiers trimestres après l’accouchement.
• Installer le réseau de parole
Les difficultés maternelles ne sont pas nécessairement perceptibles immédiatement, d’autant que les mères craignent souvent d’en faire part. Les mots disent mal la souffrance maternelle, ils risquent de la rendre encore plus concrète et plus insupportable. Par ailleurs, ils peuvent donner prise au jugement d’autrui.
Il est essentiel de créer les conditions d’une écoute qui rendent la parole maternelle possible et selon des concepts qui ne mettent pas en œuvre les questions de norme ou de morale, lesquels sont vite désastreux pour l’identité des mères très exposée à ce moment-là.
• Observer de manière appropriée
Le bébé est un des meilleurs indicateurs de l’état de maternité psychique. Il est le « petit clinicien » dont l’état reflétera au mieux celui de sa mère.
Mais il faut aussi, et dans ce cadre, une situation clinique suffisamment fixe et reproductible pour l’examen de la relation maternelle.
Cette situation est fournie par l’allaitement (au sein ou au biberon) qui fait l’objet d’un protocole d’accompagnement et d’observation vidéo fournissant de nombreuses indications cliniques étudiées ensuite en staff et dont l’interprétation partagée en équipe fournit à celle-ci le regard et le support nécessaires à la relation thérapeutique.
Le recueil et l’interprétation de données vidéo cliniques, est en tout cas un examen fonctionnel indispensable pour percevoir les problématiques en cours et unifier les perceptions de l’équipe.
• Soigner sur la base d’un diagnostic
Le soin de la difficulté maternelle nécessite avant tout une compréhension des facteurs en jeu. C’est dire l’importance du diagnostic.
Celui-ci est effectué sur la base d’une clinique spécifique. Au cours de 26 ans d’investigations, le travail de maternologie a pu mettre à jour une vingtaine de catégories nosographiques précises, correspondant à autant de types de difficultés maternelles.
Il ne s’agit pas d’une classification de plus, mais de distinctions cliniques nécessaires pour comprendre l’origine des troubles et difficultés, pour élaborer un pronostic et guider les modalités appropriées de la thérapeutique. On ne caractérise pas une femme, mais les caractères de sa maternité psychique.
• Organiser la psychothérapie dans de cadre du non-agir
Le traitement en maternologie est basé sur le soin du processus psychique de la maternité, c’est-à-dire le » transfert de l’Originaire ».
C’est un traitement étiologique, d’où la qualité de ses résultats : lesquels sont très favorables dans plus de 90 % des cas.
Il nécessite une prise en charge de groupe très importante (conditions du transfert) qui doit intégrer le père dans la mesure du possible.
Ce traitement comporte une psychothérapie simultanée individuelle d’inspiration psychanalytique, mais où le transfert de la mère, qui n’a pas pour objet le thérapeute, doit pouvoir s’adresser prioritairement à l’enfant.
Le principe général de ce traitement est également celui du « non-agir ». En effet, il ne s’agit pas de faire à la place de la mère ou de lui montrer comment bien faire. La relation maternelle tient aux modalités du cycle du don, lequel ne peut se prescrire, ni même se conseiller.
C’est dire que soigner, ici, c’est rendre l’autre capable d’agir et non d’agir à sa place et pour lui.
• Articuler avec le Réseau de périnatalogie
La prise en charge de la difficulté maternelle et natale concerne tous les soignants et acteurs de la petite enfance et ce, dès avant la naissance de l’enfant, dès les premières consultations en maternité.
Pour cela, outre une coordination pratique, il faut un langage clinique commun sur le plan médical ; il serait dangereux de s’en tenir à des appréciations comportementales et morales à l’égard des mères.
La clinique maternologique fournit aux pédiatres, obstétriciens, médecins généralistes, psychologues et divers intervenants de périnatalité une séméiologie et une nosographie qui permet d’appréhender la maternité psychique en elle-même plutôt que sous la forme trop souvent prédominante de facteurs de risques ou de troubles psychiatriques.