On peut s’étonner de l’absence, jusqu’à présent, d’une spécialité médicale qui puisse compléter, sur le plan de la maternité psychique, l’abord physique de la maternité réalisé par l’obstétrique. De même, il est regrettable que la difficulté maternelle soit encore trop souvent mise sur le compte d’une anomalie naturelle. Les références à l’instinct ou à un dispositif génétique ne permettent pas de comprendre la dimension de la maternité humaine.
Il est aussi inexact que la difficulté maternelle ou les mauvais traitements à l’enfant relèvent nécessairement de situations personnelles ou sociales déficitaires ; la corrélation est loin d’être la règle.
Pas davantage, on ne saurait mettre les difficultés maternelles sur le compte d’une dépression dite du « post-partum ». Celle-ci traduit la souffrance de ne pas savoir ou pouvoir être mère ; elle est ordinairement une conséquence et non une cause. C’est pourquoi le soin psychiatrique de la difficulté maternelle ne paraît pas adéquat.
— En fait, la maternité est partagée entre des domaines divers qui compliquent la reconnaissance et l’unité de son domaine psychique propre.
• L’obstétrique et les services de maternité sont historiquement basés sur une conception physique de la maternité liée à la fécondation, la grossesse, l’accouchement et à l’usage de techniques biologiques.
• La pédiatrie reste pour une bonne part la pratique d’une médecine somatique, même si elle s’ouvre de plus en plus aux dimensions psychologiques qu’elle implique, tant au niveau de l’enfant que de sa famille.
• Les jugements moraux et sociaux constituent peut-être le plus grand danger dans la mesure où ils sont monnaie courante tout en étant portés le plus souvent avec de très bonnes intentions.
• Au tribunal, face au Juge des enfants, on peut se poser la question de savoir pourquoi la mère est la seule « coupable » dans notre droit français à n’être quasiment jamais assistée par un avocat. Elle est même parfois jugée seulement sur dossier.
• Quant à la psychiatrie, elle tend à considérer la dépression maternelle comme un facteur étiologique, ce qui n’arrive qu’assez rarement : dans la plupart des cas, cette dépression est une conséquence de la souffrance et de la difficulté à ne pas arriver à être mère. Du fait de cette optique, les traitements visent la dépression et évitent de poser la question de la structure maternelle en cause et de son abord thérapeutique.
— De plus, les conditions de la maternité ont progressivement changé.
S’il est légitime que la femme puisse travailler au-dehors de chez elle, il n’en demeure pas moins que les institutions d’aide à la mère et de prise en charge du jeune enfant restent insuffisantes en même temps que les tâches de la femme au travail ne favorisent pas nécessairement la disponibilité et l’ouverture maternelles.
La situation sociale des femmes est souvent préoccupante : nombre croissant de femmes isolées, augmentation des « familles » monoparentales (1.500.000 femmes, en France, élèvent seules leurs enfants).
Les conditions de logement et de revenus restent encore trop souvent précaires, inadéquates ou inexistantes.
Il faut aussi noter que le nombre d’enfants nés prématurément augmente en raison du recours à des techniques par ailleurs de plus en plus performantes. Ces avancées en médecine procréatique et en périnatalogie s’accompagnent aussi d’un surcroît d’angoisse pour les familles.
Enfin, l’évolution matérialiste et individualiste des mentalités ne contribue pas forcément au sentiment altruiste et communautaire si nécessaire au bien-être et à la sécurité maternels.
Question prioritaire pour le développement de l’enfant, pour la qualité et la solidité de la famille, pour la prévention du lien social, la maternité psychique doit donc être prise en compte de manière au moins égale à son versant physique.
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